Échanges

Q : Ma vie est ordinaire. J’observe parfois avec douceur la bataille que livrent les gens avec eux-mêmes pour ne pas avoir à affronter le vide qui les habite, qui les hante sûrement, pour cristalliser encore davantage cet ego. J’ai beaucoup de douleur de devoir me débattre et de voir aussi l’autre dans ses efforts pour exister. La compassion ne peut que surgir de cette compréhension… Mais tout tire vers le bas dans cette existence matérielle, tout est fait pour ne pas avoir de contact profond avec notre vraie nature.

R : Pourquoi dites-vous que vous avez une existence ordinaire ? Personne n’a d’existence ordinaire. Mais nombreux sont ceux qui la vivent de façon terne, morne, incapables de voir sa grandeur, sa magie dans chaque petite chose offerte au regard. En son essence, la vie est magnifique et demande à être vécue pleinement, intensément, accueillant tout, chagrins et joies, avec le même amour pour elle. Nous sommes tous des chercheurs spirituels, en quête du sens de notre existence. Nous sommes tous ici pour vivre ce que la vie nous propose, dans le sens d’une expansion de la conscience. Lorsque nous souffrons de notre regard posé sur le monde, sur ceux qui nous entourent, c’est toujours ce même jeu du mental que nous mettons en oeuvre. Nous percevons tout à travers son filtre. A l’arrière-plan des jeux dérisoires des ego, il y a la conscience, immuable. Connaître sa réalité permet de laisser se dévoiler une grande paix, au sein de notre existence quotidienne. Les évènements sont alors vécus avec sérénité, les choses sont accueillies telles qu’elles nous arrivent, les autres sont vus tels qu’ils sont en réalité, des chercheurs de l’espace de lumière, semblables à nous… Notre cœur s’ouvre… Nous sommes tous capables de ne pas nous laisser prendre dans les pièges de l’argent, du pouvoir, de la compétitivité, que nous tend une société égarée. Nous sommes tous capables de vivre notre vie quotidienne en pleine conscience de sa vraie réalité, lumineuse, libre.


Q : Je me sens « coincé » dans mes relations, les personnes qui m’entourent disent non à mon évolution. Je pensais que l’extérieur s’ajusterait sur l’intérieur, que les vieux schémas ne se reproduiraient plus, mais ce que me donne à vivre mon entourage est un retour en arrière. Pourquoi avoir à revivre ces difficultés ?

R : Notre mental est composé seulement de passé. C’est pour cela que nos pensées sont répétitives, conformistes, jamais neuves, que nous avons l’impression d’être chargés de toutes les difficultés anciennes. Le retour à toutes les lourdeurs et complications passées se fait tant que le mental n’est pas assez mûr pour comprendre que toutes les manifestations de la vie émanent d’une même source, tant qu’il fait des va et vient entre le repos dans l’espace indifférencié et la fixation sur l’aspect objectif des êtres et des choses. Tant que nous sommes dans cet aspect duel, nous souffrons. Nous sommes pétris de réflexes mentaux et émotionnels qui nous égarent, nous éloignent de notre centre. Ce qui importe, c’est la vision claire, tout doit être vu comme étant l’expression multiple d’une source unique. « Ce n’est pas le mental qui doit s’ajuster », a dit Jean Klein, « mais ce que je suis véritablement qui doit absorber le mental. » C’est à la portée de chacun de nous. Ne cherchez plus avec votre mental, le neuf ne peut surgir que de la conscience pure et vide. Vous allez vous apaiser, patience, le temps importe peu.


Q : J’accumule les difficultés comme d’autres accumulent les succès. Le quotidien est devenu une épreuve. Je veux juste être rassuré, comprendre… Si en ce moment, tout dit non, c’est que la conscience en effet est redescendue au niveau du mental. J’ai pensé un moment avoir basculé enfin dans la conscience, mais l’ancrage nécessaire est revenu à la charge, au raz des pâquerettes, en se chargeant de me montrer que rien n’était acquis !

R : C’est lorsque nous croyons être dans une impasse que nous nous transformons le plus. Cette traversée peut vous sembler décevante, lourde, mais c’est parce que l’activité mentale se lasse, se vide de sa complexité. Elle devient plus limpide et cette absence de fixations mentales est prise pour une désolation aride. Notre quotidien est une épreuve par rapport à des souvenirs conservés par le cerveau qui les classe en plaisir/souffrance. De là viennent tous les problèmes. Chacun de nous est au sein de l’Absolu. Tout est parfait : le fait que vous soyez tel que vous êtes, dans cet environnement-là, que tel évènement vous arrive… Nous avons tout à accueillir, à ouvrir notre espace le plus largement possible pour tout faire sien de la vie. La vie est une, il n’y a pas un quotidien matériel pénible et un ailleurs spirituel magnifique. Il faut vivre tout ce qui nous est proposé sans nous y accrocher, sans permettre à la pensée de nous faire croire que tel sentiment de bien-être, que tel aperçu merveilleux, est définitif… Vous ne pouvez « penser » avoir basculé dans la conscience… la conscience n’est pas objectivable, nous ne pouvons y « basculer », nous y sommes déjà, de toute éternité… Soyons vides, vides comme la Source d’où tout émerge et où tout retourne.


Q : Dans le quotidien, j’ai parfois du mal à suivre une conversation, à trouver cette fraîcheur et cette spontanéité qui apparaît lorsque le mental n’intervient pas, et puis, sans trop savoir ce qui se passe, quelque chose lâche et un nouveau mode de fonctionnement se met en place, une bascule de l’esprit, quelque chose de doux, de subtil prend le relais, un espace dans lequel aucun problème n’existe … Que cette vie est douloureuse autant que merveilleuse, que cette dualité est dure à affronter…

R : Certaines conversations sont du gaspillage d’énergie produit par des ego qui cherchent à s’imposer… Lorsque quelque chose de doux se met en place, « un espace dans lequel aucun problème n’existe » dites-vous, vous êtes le témoin qui observe tout ce qui apparaît et disparaît, les pensées, les émotions, les autres, le monde… Vous ne vous sentez plus séparé. Qui observe ? C’est le flux ininterrompu à l’intérieur de vous, votre conscience immuable. Au sein de cet espace-conscience, la souffrance n’existe pas car il n’y a pas de dualité. Vous vous sentez en paix car la nature de cet espace est paix. C’est la conscience en vous qui observe et c’est sa douceur, sa subtilité, que vous ressentez dés que vous n’êtes plus enfermé dans la pensée. C’est vous-même, dans votre pureté et votre lumière.


Q : Avez-vous recherché l’éveil ou celui-ci est-il venu spontanément ?

R : L’ouverture totale de la conscience, son union subite avec le grand Tout, c’est cela qu’on appelle l’éveil. Il ne peut être que spontané. Puis vient l’accomplissement, l’établissement au sein de cette conscience grand ouverte, de son espace qui est silence, l’intégration de tout notre être existentiel dans sa véritable nature, qui peut avoir besoin de se déployer dans le temps. Qui cherche ? Ce ne peut être que l’ego, avec son instrument, le mental, et le risque est qu’ils se renforcent tous les deux dans cette quête spirituelle. Ce ne sera jamais eux qui nous feront accéder à une réalité qui les dépasse… Si l’on veut parler de quête, la seule qui vaille est celle où l’ego se lasse et s’use peu à peu… La réponse vient justement au moment où toute quête est abandonnée car il n’y a plus personne pour la poursuivre, lorsque toutes les questions, avec leurs doutes, cessent. Il s’agit d’être prêt, mais sans attendre, d’être pleinement présent à la vie à chaque instant. Ce n’est pas nous qui décidons du moment de ce ravissement de la conscience en elle-même – qui nous ? Il n’y a rien à faire. « L’éveil » viendra de lui-même, soyez-en sûr, car vous aurez habitué votre conscience à reconnaître la lumière, sa propre essence, lorsqu’elle se lèvera.


Q : Je comprends l’éveil intellectuellement, mais je n’arrive pas à lâcher prise, à devenir juste un espace d’accueil. J’ai eu des expériences de lumière, mais ça reste des expériences psychiques, résultats d’efforts dans ma pratique du yoga et de la méditation.

R : Il n’y a pas d’efforts à faire pour être ce que nous sommes de toute éternité. L’effort est uniquement mental, et l’esprit ne pourra jamais découvrir ce qui est infiniment plus vaste que lui. La méditation est seulement utile pour observer le processus des pensées qui viennent et notre attachement à celles-ci. Il est naturel que les pensées surgissent, c’est une forme d’énergie, dont l’origine est pure. Le problème vient lorsque le moi s’en saisit et les retient pour se renforcer, se donner l’illusion qu’il existe. Nous devons arriver à les laisser s’en aller aussi facilement qu’elles ont surgi, sans effort particulier de notre part. Ainsi l’espace de silence au plus profond de nous n’est plus encombré. Nous sommes accueil, juste présence à ce qui est. Dans la paix et la joie, qui constituent cet espace lumineux qui est notre véritable nature. Demeurez en conscience dans cet espace, qui englobe le mental. Absorbez-vous au sein de son silence, quoi que vous fassiez au quotidien. La paix est notre véritable essence, celle de la conscience. Il n’y a pas d’effort à faire pour y accéder. La notion d’éveil ne concerne que l’ego. Dans la Réalité, il n’y a pas d’éveil. Nous sommes de toute éternité au sein de la lumière, de l’énergie d’amour, tous ensemble. Nous sommes cette énergie de vie, nous sommes la Vie. Personne ne sort du Tout.


Q : La Vie, avec beaucoup de tendresse, beaucoup d’amour, me pousse doucement vers le bord du précipice. Depuis quelques temps, elle offre à ma conscience des instants où je perçois le rêve qu’est ma vie. Cela provoque une grande peur chez moi, même si je sens, au fond de mon coeur, cet amour immense qui m’invite à faire encore un pas, celui qui me fera basculer, mourir à moi-même et tomber dans les bras de la Vie.

R : Vous n’êtes pas au bord du précipice, mais sur le point de retrouver votre vraie demeure, de rentrer chez vous. La vie vous y mène, comme vous le dites si justement, avec amour, dans l’amour. La peur est une pensée et montre que le mental est toujours actif, prétend encore garder les rênes de votre existence en s’accrochant au connu. Or “l’inconnu” n’est pas inconnu, c’est juste un oubli de ce qui est le plus proche de nous, car nous oublions si facilement ce qui ne nous quitte jamais…. entraînés sans cesse à l’extérieur par un mental à la poursuite d’objets, fasciné par toutes sortes de distractions. La première chose est de ramener cet esprit à sa source, de l’intérioriser à chaque fois qu’il tend à poursuivre des désirs. Ce repos est une condition essentielle. Dans ce repos, le moi s’effacera de lui-même, naturellement. C’est cela, la préparation : cette attention vigilante. En ce sens, il n’y a pas de chemin, de distance pour atteindre un but, créé forcément par le mental, mais une conscience de chaque instant, une présence à la vie. Dans cette présence, se trouve l’amour, et donc la confiance, car la confiance est l’amour manifesté. Soyez sans attente de quoi que ce soit. La vie se vit à travers vous à chaque instant, perpétuellement jaillissante, sans attente. Elle vous attire de l’intérieur, pour retrouver sa source. C’est cette puissante et tendre aspiration, comme un aimant, que vous ressentez…. Laissez-vous faire. La Vie est Amour….


Q : Si l’on peut tenter de s’éveiller à sa véritable nature, il n’en demeure pas moins que les tendances habituelles sont lourdes, que la personnalité même fait obstacle au courant de la vie. Les vicissitudes de l’existence, les relations humaines, les difficultés économiques, les vieux schémas de fonctionnement, que de découragement… La question est de savoir s’il y a d’autre chose à faire que d’être ce témoin qui observe en arrière. D’actualiser cela d’instant en instant, sans rien rechercher, sans rien espérer, cela mène t-il à l’éveil ?

R : La Grâce est Liberté… Nous vivons dans deux dimensions à la fois, mais notre identification à notre corps, par l’intermédiaire de notre mental et de nos sens, ne nous fait percevoir que le monde relatif. Nous avons chacun, bien sûr, notre destinée terrestre avec son lot de joies et de peines. La clé est de vivre en conscience cette destinée, avec ses vicissitudes, en creusant à chaque fois un peu plus en nous. Chaque expérience nous est proposée en fonction de ce que nous pouvons recevoir, toujours dans le sens d’un épanouissement de la conscience. Il n’y a pas d’autre chose à faire que d’observer à la façon d’un témoin, sans jugement, sans saisie ni rejet. Le témoin, c’est notre conscience profonde, celle qui n’est pas sans cesse conscience de quelque chose, mais qui est vide et immuable. Cette vie en conscience nous permet d’ajuster notre comportement et nos actions à cette dimension que nous percevons de mieux en mieux, de modifier aussi notre environnement s’il ne nous semble plus adapté. Cela demande du courage, mais sur ce chemin exigeant, la faiblesse n’est pas admise. La pratique qui est de regarder la vie d’instant en instant, de s’ajuster à son courant à chaque seconde, est la seule que je connaisse. Nous vivons ainsi en harmonie avec ce qui se présente, sans rien bloquer ni projeter, agissant seulement lorsque l’évènement ou la situation le demande, toujours en ayant conscience du témoin à l’arrière-plan. Nous voyons ainsi de mieux en mieux comme les choses arrivent d’elles-mêmes et se résolvent d’elles-mêmes, au sein de ce monde relatif, impermanent et interdépendant. Cette destinée terrestre, loin de nous arrêter ou de nous égarer, doit être perçue comme le moyen de nous faire prendre conscience de la nature véritable de notre être. Nous devons être capable de voir la vie, non pas seulement dans sa dimension relative, mais aussi du point de vue de l’absolu. La vie est une. S’éveiller, c’est simplement s’en souvenir à nouveau.


Q : Je vois mes propres limites, mes manques, mes blocages, d’une manière accrue et que cela est difficile à accepter parfois !

R : Ne voyez pas vos limites, car c’est justement là l’obstacle. Les limites ne sont que mentales. C’est l’esprit qui observe l’esprit. Les formations mentales sont de l’énergie, pure à sa source. Regardez la source : c’est la conscience, l’intelligence de la vie à l’œuvre à travers nous. Laissez-vous couler dans ce flux, ce mouvement fluide. Allégez-vous, allégez votre environnement. Et vous vivrez dans la paix, la conscience ouverte.


Q : J’aurais tant voulu vous dire que tout va bien, que la vie coule paisiblement, dans l’harmonie. Je suis retombé dans les vieilles ornières, les vieux démons reviennent à la surface et la souffrance est au rendez-vous, aiguë et tenace. En fait, je pense avoir une décision importante à prendre, mais je n’arrive pas à choisir.

R : Essayez de suspendre les pensées désordonnées afin de percevoir à l’intérieur de vous l’espace silencieux et vide. Sans ce vide, l’intelligence de l’énergie ne peut œuvrer en nous, à travers les évènements de notre parcours. Le mental vient sans cesse mettre une distance et nous ne sommes plus en contact direct avec le flux de la vie. Il faut arriver à ressentir la spontanéité de l’instant, sa liberté et sa paix. Cet espace à l’intérieur de soi est le lieu où tout se déroule. Etre en accord avec le mouvement universel, c’est ne rien précipiter, ne rien anticiper, laisser l’énergie se déployer et s’y relier en conscience. Afin de ne pas bloquer mentalement cette énergie, il faut savoir mourir à chaque chose. La vie ne peut être qu’en se renouvelant. Vous devez intégrer ce mouvement, être prêt à mourir à chaque expérience proposée, à votre histoire personnelle. C’est notre désir de permanence qui nous fait tant souffrir. Notre esprit veut donner une continuité à toute chose. Vivre, c’est se tenir dans ce vide, si fécond. Il vous donnera tout. C’est aussi pouvoir supporter la nuit, la désolation qui nous est parfois proposée. Regardez simplement, sans motif, ce qui est, avec une attention qui vient de ce vide, et vous agirez spontanément, de la façon la plus juste possible. Votre action découlera de votre vision globale de la vie, et non d’un aspect de celle-ci (notre esprit fragmente tout). Tout sera alors clair. Vous ne vous interrogerez plus sur ce qui doit être fait ou non. La décision appropriée s’imposera d’elle-même. Elle ne découle jamais d’un choix. Nous choisissons lorsque notre esprit est confus. Ressentez le mouvement harmonieux de la vie qui vous porte et reliez-vous y en conscience.


Q : Peut-on changer sa vie radicalement ? Comment sortir de la lourdeur ?

R : En sortant du conditionnement mental. Le mental est « incompétent » pour apporter une vision globale de la vie. Il établit des séparations, porte des jugements. C’est cette dualité créée par lui qui nous fait considérer notre existence comme lourde, compliquée. Nous souffrons tant que nous restons dans sa réalité duelle. La vie, elle, est une ! Les graines d’épanouissement se trouvent dans le geste que nous considérons comme banal, dans la situation la plus anodine autant qu’au sein d’une expérience que nous prenons pour exceptionnelle. Ne cherchez surtout pas à changer votre vie, car c’est encore le mental, donc l’ego, qui mène le jeu dans ce vouloir. Sentez l’énergie qui circule librement à travers vous dés qu’il n’y a plus de blocages mentaux. Cette énergie est libre. Pour la laisser nous traverser, nous devons nous déconditionner de nos réflexes mentaux. C’est ce courant profond qui vous ouvrira une nouvelle dimension de la vie. Ajustez-vous à ce courant seconde après seconde. Vivez ainsi en harmonie avec ce qui se présente, même si c’est une peine, une maladie. Agissez seulement lorsque l’évènement ou la situation le demande. Tout prendra sens, car l’intelligence de l’énergie vous donnera ce qui est bon pour vous. Abandonnez-vous en confiance, c’est la seule « pratique » que je connaisse…


Q : Ma recherche est récente, mais avide, j’étais un cartésien convaincu, je suis devenu un heureux découvreur, et c’est à des personnes comme vous que je le dois, je vous en remercie très chaleureusement.

R : C’est parce que vous êtes réceptif que vous pouvez entendre cette voix. La vraie écoute est réceptivité, accueil. Et cette voix vient de votre propre centre, de votre coeur. Le centre est comme un aimant qui nous attire de l’intérieur… La Réalité est toujours là, en nous, et attend d’être redécouverte. Mais nous l’oublions, parce que nous oublions facilement ce qui est le plus prés de nous, qui ne nous quitte jamais… Puis vient un moment, quand le mental, qui cherche toujours à l’extérieur, s’est mis en repos, quand “le fruit est mûr”, où nous redécouvrons qui nous sommes véritablement. Alors, quelle joie de voir que nous sommes déjà ce que nous cherchions tant à devenir !


Q : Je n’arrive pas à me mettre dans l’état d’ouverture et d’abandon et à me relier à la source d’amour.

R : Se mettre en état d’ouverture, c’est être en accord total avec la réalité, sans laisser notre imagination mener le jeu, sans qu’un effort de volonté vienne s’interposer. Ainsi, l’ego s’efface peu à peu, libérant un espace où l’énergie de vie peut faire son œuvre. L’amour est une énergie impersonnelle. Elle ne peut se plier à nos désirs. Elle est libre. Les êtres humains la cherchent alors qu’elle est toujours présente. Cette quête ne peut s’apaiser que lorsque l’amour est reconnu pour ce qu’il est. On le reconnaît alors présent en toute chose, à chaque instant. C’est cette obsession de la quête qui détourne de la présence continue de l’amour. Elle est menée par des ego qui ne pourront jamais embrasser cet absolu. L’amour est la vie, ce que nous sommes en conscience dés que nous nous abandonnons à son courant fluide. Il ne dépend pas de nos désirs, de nos rêves, des conditions que l’on pose, de nos luttes pour le posséder. On ne peut l’avoir, il est, et il est ce que nous sommes. Il nous appelle donc à nous intérioriser, à retourner au coeur. Nous vivons la plupart du temps séparés mentalement de la vie, de ce flux d’énergie ininterrompu. Nous sommes rarement ajustés à son courant. Vivre, ce n’est pas autre chose que se sentir au cœur de ce flot et couler avec lui, rentrant sans cesse en soi-même tout en s’étendant vers l’extérieur. Retrait – expansion sont les deux mouvements de la vie. Peu importe nos conditions d’existence, notre environnement. On peut encore avoir du chagrin : on sait que c’est une énergie qui se manifeste et qui s’en ira, sans laisser de traces car nous ne l’aurons pas saisie mentalement. L’amour est la Réalité, notre réalité, la substance de la vie. Nous nous abandonnons lorsque nous laissons l’énergie de vie se vivre à travers nous. En vivant, simplement, en pleine conscience, l’ouverture, l’abandon, sont notre présent continu.


Q : C’est cette reliance permanente avec l’univers que ce corps-esprit recherche, cet état que vous avez maintenant intégré à jamais. Cela même que j’essaie d’incarner au quotidien dans mes difficultés incroyables, dans la souffrance et le manque d’amour. Je me sens de moins en moins de ce monde, ou de plus en plus, je ne sais pas…

R : Se sentir de moins en moins de ce monde, et de plus en plus dans la vie, relié à tous les êtres vivants, animaux compris, à la nature, au cosmos …. C’est avec cette conscience-là, de chaque instant, que le mental s’apaise peu à peu, qu’il n’a plus la volonté de contrôler quoi que ce soit. C’est le mouvement de la vie qui nous porte, le mental n’est utile que pour l’existence pratique. La vérité se découvre d’elle-même, dans le vide de l’absence à soi-même. Elle est dans le mouvement de l’énergie qui circule librement. Elle est dans le murmure, audible seulement lorsque nous sommes silencieux. Elle est ce souffle, léger et puissant, qui nous porte avec force et douceur, avec tendresse. Dans le chemin de souffrance qui est le vôtre, soyez attentif à ce que la vie vous propose. Car il n’y a pas d’autre voie que celle que vous êtes en train de vivre, seconde après seconde.


Q : La quête du sens s’est révélée très tôt chez moi. J’ai toujours voulu comprendre, je me suis toujours posé des questions. Même si je sais qu’un processus est en cours, je l’ai bien compris, mais parfois, j’ai l’impression de “stagner”. Y a t il quelque chose que je puisse “faire” pour accélérer ce processus comme me le suggère mon entourage (pratiques spirituelles diverses) ? Ma question n’est elle pas celle de mon impatience!?

R : Ecoutez votre propre voix, demeurez relié à cette joie sans cause que vous ressentiez adolescent lorsque vous contempliez l’univers. La société nous entraîne à « faire » sans cesse, à être toujours dans l’agir. Nous sommes tellement conditionnés que nous culpabilisons si nous sommes dans la contemplation, croyant alors que nous stagnons, dans une passivité synonyme de faiblesse. Or, il n’y a jamais stagnation. Comment serait-ce possible ? La vie n’est que mouvement. C’est toujours notre esprit qui juge et qui sépare, d’un côté ce qui est considéré comme bien, de l’autre comme mauvais, d’un côté l’action, de l’autre la contemplation… Toute la vie est regardée par notre esprit de cette façon duelle. La question n’est pas de faire, même des méditations, des prières, des rituels, ce n’est pas non plus de rejeter quoi que ce soit. C’est de laisser la vie oeuvrer en soi. La vie n’a pas besoin de nous, n’a pas besoin qu’on l’aide à se mouvoir … c’est l’ego, ce tas de pensées, qui, dans son orgueil, s’en persuade. Vous pouvez méditer - sans pour autant vous immobiliser physiquement - si vous ressentez le besoin de calmer votre esprit. Un mental calme, stable, est indispensable pour permettre à l’énergie de la vie d’oeuvrer en nous, librement, dans cet espace laissé grand ouvert, sans entrave, qui est notre véritable nature.

L’intelligence de cette énergie sait ce qui est bon pour nous, et tout ce qu’elle nous propose - tout, même ce que nous considérons comme des épreuves - est une invitation à nous ouvrir, à élargir notre espace intérieur. Le temps n’existe pas dans cette dimension-là. L’impatience est une création de notre mental, qui imagine une distance pour arriver à un but. Ne projetez rien, ne cherchez pas un but, vous êtes déjà ce que vous cherchez : un espace de paix et de silence, depuis toujours. C’est lorsque votre esprit aura définitivement compris qu’il ne peut trouver ce qui est plus vaste que lui, ce qui le contient, que le “saut” se fera… de lui-même. Ayez confiance en la vie. Elle vous a mené avec amour jusqu’ici, et il n’y a pas d’autre réalité que celle que vous vivez, ici et maintenant.


Q : Ce qui me paraît insurmontable en ce moment est le décalage de ce vers quoi je tends et ce que me renvoie la vie, mes proches, les situations inextricables. Je ne vois plus de solution adéquate pour démêler l’écheveau de ces situations embrouillées à l’extrême. Il y a comme un conflit entre cette absence de volonté de contrôler quoique ce soit, de se sortir du mental, et ce que me renvoie la vie comme difficultés. A vouloir accepter le point de vue de l’autre, je vis dans un conflit permanant. Lorsque je laisse les événements se déployer d’eux-mêmes, l’extérieur (les gens que je côtoie) me renvoie une acceptation de ma part pour m’enfoncer davantage dans leur propre égoïsme. L’absence de prise de position est toujours perçue comme une faiblesse. Par l’absence de dualité que je veux vivre, à force de les ménager, mes proches me ramènent dans des prises de position extrêmes. Doit-on sacrifier la non dualité au profit du mode duel de son entourage ? C’est toute une harmonie entre les êtres et les événements que j’aimerais vivre ! Le résultat n’est que conflit et épuisement psychique, tout est sans saveur, sans joie… Comme cette nostalgie de la vérité est douloureuse car trop éloigné pour le moment ! Plus de désir, mais pas dans une acceptation joyeuse, dans un manque de motivation. Je suis au bord de quelque chose d’aigu, dans une impasse, où chaque chose se resserre et me laisse de moins en moins de marche de manœuvre, mais pour aller où ?

R : Ce que vous renvoie la vie est seulement le reflet de ce qu’il y a dans votre conscience. Aucune situation n’est inextricable. Videz votre conscience de tout ce qui l’encombre, de toutes ces pensées embrouillées, et vous découvrirez votre espace silencieux, toujours clair. Il ne s’agit pas d’accepter ou non le point de vue des autres, mais de calmer votre esprit. C’est de la responsabilité de chacun de le faire. Ne prenez pas les pensées des autres avec vous, ne saisissez rien, laissez les choses qui viennent vous traverser et observez-les, dans le calme. Observez vos réactions, agissez, oui, seulement lorsque les circonstances le demandent, selon ce que la vie attend de vous. Pour voir ce que la vie attend de vous, il faut commencer par stabiliser son mental.

C’est votre esprit qui juge, qui met le mot faiblesse et conforte ainsi le comportement des autres à votre égard. Vous avez la capacité de ne plus vous juger ainsi et de changer la situation pour la rendre conforme à ce que votre conscience perçoit. Il n’est pas question de vous sacrifier, cette notion ne concerne que les ego. La conscience, elle, ne connaît pas le sacrifice. Elle est ce que vous êtes, laissez-la affleurer, vous ressentirez une détente, une tranquillité, vous ne verrez plus des choix à faire, vous ne vous poserez plus la question : pour aller où ? C’est encore l’ego qui se pose cette question. Où voulez-vous que la conscience aille ? Vous n’êtes pas dans une impasse, seulement un enfermement mental qui n’est qu’une illusion. Nous croyons que nous sommes dans l’obscurité, alors que nous sommes si prés de la lumière…. c’est notre regard qui n’est pas accoutumé. Détendez-vous, ouvrez votre espace intérieur, vide… il n’y a rien qui fasse obstacle à la lumière, si ce n’est votre esprit qui dit : il y a quelque chose que je ne comprends pas….


Q : Comment ne pas se laisser envahir par nos tracas du quotidien et faire en sorte qu’ils ne prennent pas une ampleur dans notre esprit ?

R : Les tracas du quotidien n’encombrent que le mental. Il y a toujours un espace en nous qui reste pur et silencieux. C’est à cet espace que vous devez vous relier. Il n’y a pas d’intérieur et d’extérieur. La vie est une. Soyez heureux dans cette vision globale. Acceptez tout ce sur quoi vous ne pouvez pas agir, sans résister, et travaillez sur ce que vous pouvez modifier, comme les émotions qui engendrent des comportements qui font souffrir. Cela demande beaucoup d’attention, une vigilance d’instant en instant. N’oubliez pas de remercier la vie pour tout ce qu’elle vous présente. Elle est une magnifique aventure !


Q : Vous vivez la réalité spirituelle. On voudrait que ce soit partagé par tous. Le monde de compétition changerait. Mais l’observation de l’histoire et de l’actualité nous montre un monde inchangé: aveuglé par l’angoisse, la crainte, la combativité nécessaire qui en découle, il nous montre l’homme livré à un destin devant lequel il est sans pouvoir.

R : Oui, l’état spirituel de l’humanité est désastreux. L’origine de nos conflits, de la disparition de tant d’espèces végétales et animales, de l’exploitation de la terre et de toute vie sur sa surface, y compris celle des êtres humains, de la négation par quelques individus de toute humanité chez les pauvres de la planète, est l’ignorance de la véritable nature de la vie. La seule voie possible pour l’humanité est l’éveil à l’unité par la connaissance de soi. La cause de cette affreuse réalité terrestre est que nous nous croyons séparés les uns des autres. Dés qu’il y a regard de l’autre, il y a un sujet et un objet. “Je” devient un objet dans le regard de l’autre qui me renvoie une image. L’ignorance vient de ce que nous nous identifions à cette apparence vue par l’autre. Chacun se voit comme objet et aussi comme sujet qui à son tour objective l’autre. Les conflits naissent de ce que le moi, réduit à un objet, se défend en aliénant l’autre…. C’est sans fin…. Or, notre véritable nature est espace vide, conscience sans objet. Au sein de cet espace, tout le vivant est interconnecté. Ainsi, non seulement nous ne sommes pas séparés les uns des autres, mais unis par cette essence unique, mieux: les uns dans les autres. Seule cette prise de conscience de notre vraie nature ouvre à l’amour.


Q : Ce que j’observe dans ce “cheminement”, c’est qu’il y a une certaine maturité qui s’installe, et avec elle, une tranquillité. Il faut avouer que la vie m’a secouée de façon assez dure et impuissante face aux évènements, je me suis souvent révoltée, jusqu’à penser au suicide, mais quelque chose en moi tenait bon et a fini par s’abandonner. Une ouverture s’est faite à mon insu. Les évènements sont donc vécus avec un certain recul maintenant. Je vois que je ne démarre plus au quart de tour. Les inquiétudes aussi tombent. Tout ou presque n’a plus l’importance que la société leur accorde. Mon compagnon est sur la même voie, et la relation s’est assouplie. Cet apaisement est il un signe précurseur à ce basculement ? Je vois qu’il y a encore un espoir à…un manque !

R : La paix qui s’installe en soi vient d’elle-même, lorsque nous ne la cherchons pas, lorsque nous ne sommes plus dans le vouloir faire, le vouloir avoir…. La paix est la substance de ce que nous sommes véritablement. Elle se dévoile dés que nous lui dégageons l’accès, grâce à un apaisement mental, un abandon à ce qui est. Cela se fait toujours à notre insu, car le mental n’a aucun rôle. La paix ne peut pas être “pensée”. Au fur et à mesure, tout est regardé avec détachement, comme vous le faites désormais. La vie vous a secouée, mais la vie vous aime …. Les blessures sont des ouvertures. Les peines sont des occasions qui nous sont présentées de nous ouvrir toujours plus. Ayez la même gratitude envers elles que vous en avez envers vos joies. Tout a un sens, il y a une intelligence à l’oeuvre dans l’énergie de la vie. Que vous ayez à vos côtés un compagnon qui chemine dans la même voie est un beau cadeau que vous fait la vie.

Lorsqu’on espère ou attend quelque chose, on est encore dans le mental qui joue à se créer des manques puis à chercher à les combler. Il n’y a pas d’autre parcours que celui que vous êtes en train de vivre à chaque instant. Tout est parfait tel que cela arrive, c’est la vie qui se manifeste à vous… Chacun de nos pas vécu en pleine conscience est déjà réalisation, avant le grand saut qui arrive toujours en dehors de notre vouloir.


Q : En ce moment, je suis dépassée par toutes les décisions que je dois prendre…

R : Avant de prendre toute décision importante, il faut faire un grand silence en soi, afin d’être bien sûr que c’est la vie qui invite à ce changement, et non le mental. Vous êtes certainement à un tournant de votre existence. Si vous ressentez véritablement que l’organisation de votre vie doit évoluer, parce qu’elle ne correspond plus à ce que vous êtes, alors vous devez vous adapter à cette force qui vous pousse. Ce serait éprouvant pour vous de résister. L’essentiel est de bien percevoir que c’est une énergie qui émane directement de la vie. Regardez en vous le sens de cette énergie de changement qui est apparue. La vie va toujours dans la direction du dépouillement, du renoncement, afin que ne reste que l’essentiel, afin de libérer la conscience de ses identifications…


Q : Vous semblez me conseiller d’arrêter la pratique du « qui suis-je ?» pour m’inviter au Silence vivant. Ramana n’a cessé de dire que tant qu’il y a identification au « je », cet effort est nécessaire. Je suis le silence et la paix dès que je retourne en moi par cette question. Aujourd’hui, j’ai pu attendre des résultats médicaux importants de ma femme (qui sont bons) en toute quiétude et disponibilité pour mes enfants grâce à cet encrage dans cet amont de tout. Il y a dix ans, j’ai pu accompagner ma mère à la mort sans quasiment dormir pendant plusieurs jours en toute simplicité, avec grand courage et bonté grâce à cette dés- identification… Ramana dit que « rester tranquille, c’est détruire ce que vous croyez être ». Pour vous, la question (comme l’indique Ramana) s’est dissoute dans la Conscience. Cette dissolution n’est pas encore naturelle chez moi. A quelques reprises, baignant dans la simplicité du Vivant, j’ai abandonné cette question en ne faisant plus rien du tout mais le mental a vite repris les rênes. Je ne me sens pas dés-identifié. De plus, j’ai l’impression de faire beaucoup moins d’efforts dans ma vie quand je pratique cela.

R : Tant qu’il y a pratique, tant qu’il y a mantra, il y a activité du mental, qui objective « Je ». Je ne vous conseille pas d’arrêter toute pratique, ni d’ailleurs de continuer. Je témoigne seulement de mon vécu. Je ne conseille rien, ni n’enseigne rien. Tel que vous êtes, là où vous êtes, est déjà la Réalité qui se manifeste dans la perfection renouvelée de l’instant présent. Chaque pas que vous faites en conscience est la réalisation. Dés que vous laissez votre conscience refléter, tel un miroir, la multiplicité de la vie, tous les évènements qui se présentent, vous êtes dans la tranquillité, dans la paix du Soi. Vous me dites que vous ne vous ressentez pas toujours dés-identifié. Riez dés que vous voyez ce mental cavaler et créer une distance… la vie est légèreté ! Dans cet instant même de prise de conscience joyeuse, se trouve votre espace de liberté, votre véritable nature. Ce que vous me dites sur votre maman me touche. Il n’y a pas de plus beau geste d’amour que d’accompagner un être vers la mort. (voyez Ramana avec sa vache Lakshmi qu’il aida à mourir, son geste vaut tous les enseignements…). Ce qu’on appelle la mort peut être l’instant de notre plus haute réalisation, notre absorption totale dans la Conscience cosmique. Lorsqu’on sait véritablement ce qu’est la mort, on sait ce qu’est la Vie.


Q : La question est de savoir faire la distinction entre ce qui provient du mental limité et ce qui vient en droite ligne de la vision globale. Dans certaines situations complexes, je ne parviens pas à faire la différence. Ces situations impliquent souvent plusieurs personnes, (je suis Maire de ma commune) et il parait tellement difficile de trouver le juste milieu entre les tiraillements de chacun, qu’entre plusieurs scénarios possibles, je tente d’identifier le plus juste en me fiant a mon intuition.

R : L’intuition est la voix du cœur, du centre de notre être. Dans une activité publique, il peut sembler difficile, en effet, de voir la décision appropriée, l’énergie de la situation étant distordue par les intérêts égotiques des uns et des autres. Chacun se voyant séparé des autres, l’habitude mentale de rejeter ou de s’agripper à quelque chose limite le flux de la vie qui cherche à s’exprimer à travers nous. Nos esprits orgueilleux nous font croire que c’est nous qui décidons. Mais si nous observons les faits de notre existence, nous voyons que la plupart arrivent du fait de notre destinée, par des fils tissés par une intelligence bien supérieure à la nôtre… La plupart des êtres humains s’agitent dans tous les sens, et le seul résultat est beaucoup de souffrance. En réalité, ce que la vie nous demande est d’agir lorsque les circonstances le demandent, en accord avec elles, en accord avec ce qui est (et non avec ce que nous-même et d’autres aimeraient que cela soit). Sans ajouter d’opinions sur l’acte, de jugements sur les résultats attendus. Ce qui gâte la plupart de nos actes, c’est l’attente. Ceci vaut pour tous les domaines de notre existence, même spirituel. Dés que nous n’avons plus d’attentes, nous n’avons plus de jugements qui limitent, plus de dualité en nous. Donc, plus d’hésitations quant à la décision qui doit être prise. Il n’y a plus de choix possible. Ceci est la véritable liberté…. C’est seulement notre esprit qui crée des choix de décisions possibles, c’est lui qui entretient ce trouble à propos de décisions à prendre ou non, favorables ou non… Dés que nous vivons en conscience ce que la vie nous propose, tel que c’est, dans un présent éternellement renouvelé, parfait tel qu’il se présente sur le champ pur de la conscience, la paix règne en notre coeur. Nulle confusion n’est possible. La vie vous fait le cadeau de vous placer dans des situations qui vous conduisent à pénétrer profondément en vous, à la rencontre de votre espace intérieur. Vous avez sa liberté !

Je viens de lire quelques paroles de Balsekar, et vos interrogations quant aux décisions à prendre dans le cadre de votre fonction sont revenues à mon esprit. Balsekar fut directeur de la Bank of India à Bombay, avant de rencontrer, à 60 ans, Nisagardatta, dont il devint le disciple. Voici ce qu’il dit : “Dans l’exercice de mon métier, je ressentais : ceci doit être fait, telle demande exige une réponse positive, ou négative…. Sans cela, il ne m’aurait pas été possible de fonctionner dans le monde. Mais même si de l’extérieur, je paraissais prendre des décisions, jamais je n’ai cru que c’était moi qui décidait.” Et plus loin : “Vivez, ouvrez-vous chaque jour davantage en acceptant tout ce que la vie vous apporte. Dans votre métier, dans votre vie extérieure, vous pouvez, bien sûr, prendre des décisions, dire oui ou non. Mais sans jamais oublier que ce qui arrive ne dépend pas de vous. Faites preuve de responsabilité tout en sachant que vous n’êtes pas responsable et que les conséquences de vos décisions ne vous appartiennent pas. Cela vous procurera un incroyable sentiment de liberté.”


Q : Je suis consciente de ce silence qui occupe un espace. Encore un sujet-objet qui regarde ? Le vrai silence est donc la disparition totale du moi qui a encore une perception, qui s’accroche à un ressenti ?

R : La perception est une manifestation, comme un reflet de la conscience, et n’est pas ce que nous sommes. Ce que nous sommes, conscience, silence, vide, ne pourra jamais être connu comme un objet de connaissance, car c’est le Sujet ultime. Le moi aussi est un objet pour la conscience qui se manifeste comme conscience de quelque chose. La conscience en repos, seulement conscience d’elle-même, se dévoile dans le renoncement total du moi, dans le vide de l’esprit. Elle ne peut être perçue, observée.


Q : La réincarnation est-elle juste un concept auquel le moi identifié s’accroche pour survivre ?

R : La réincarnation est juste un concept… C’est l’ego qui s’interroge sue l’éventualité d’une nouvelle incarnation terrestre, car il a peur de disparaître et veut poursuivre son existence, dans une forme qu’il connaît déjà. La conscience qui a réalisé que sa nature est vide se moque de sa future incarnation, comme elle se moque de la disparition de ce corps/mental par lequel elle s’expérimente. Elle est liberté, joie. Que signifie “renaître” lorsque nous comprenons que nous existons de toute éternité ?

Oui, la conscience peut expérimenter à nouveau sa propre nature à travers une forme… ou non. Tout est possible dans ce jeu libre de la vie. La création ne cesse jamais. Les expériences ne sont que celles d’une entité individuelle à un moment donné. Et cette entité n’est jamais isolée, séparée. Dès que nous ne voyons plus qu’un Tout, qu’une seule et même Conscience cosmique, la question du mouvement en son sein ne se pose plus.


Q : Où sommes-nous lorsque nous dormons ?

R : Où sommes-nous lorsque nous veillons ou rêvons ? Dans la conscience, toujours. Elle est le témoin immuable de ces états. Lorsque nous dormons profondément, toute objectivation, toute représentation est absente, mais nous sommes toujours présence. La conscience ne dort jamais…


Q : Il semblerait que nous ne soyons pas maîtres de notre destinée terrestre. Donc, si tout est écrit d’avance, pourquoi se soigner lorsqu’on est malade, par exemple ? Je veux dire par là, que s’il est écrit que nous devons mourir corporellement aujourd’hui, nous mourrons, cela sera et ce ne sont ni des soins, ni des traitements, ni des interventions chirurgicales qui interféreront sur ce fait ? Et, le reste suit…. pourquoi se faire du souci, avoir des angoisses, de la joie, de la peine… Et puis aussi une question: si tous les monstres qui ont parcouru notre histoire sont aussi des êtres spirituels, faut-il aussi les aimer ou avoir de la compassion pour eux ?

R : Nous ne décidons pas grand-chose de notre vie, si nous regardons bien, même lorsque nous croyons décider. Cependant, ce n’est pas la vie qui nous conditionne, mais notre mental. Se laisser mener par lui, au lieu de faire confiance à la vie, c’est notre erreur, et cette erreur conduit à la confusion puis à la souffrance. Oui, nous devons avoir de la compassion envers ceux qui ont un parcours terrestre difficile, du fait de leur mental tourmenté. Beaucoup de compassion pour leurs souffrances et celles qu’ils créent autour d’eux. Il n’y a pas de jugement à avoir sur eux, ce qui ne signifie pas que tout est bien, car il y a une responsabilité individuelle. L’abandon de ce corps/mental signifie aussi apporter les soins nécessaires lorsque le corps est souffrant et se servir de notre esprit lorsqu’il est sollicité par l’extérieur. Tout en demeurant, c’est ce qui est fondamental, dans la présence consciente de ce témoin tranquille qui observe tout à l’arrière-plan, et qui est ce que nous sommes véritablement.


Q : Quelquefois, j’ai le sentiment fugace que toute cette agitation dans la recherche est insensée…et puis le moindre petit indice qui pointe son nez m’entraîne à nouveau dans cette course effrénée!

R : Rechercher des textes qui indiquent la direction, oui, mais prendre garde que trop de mots n’alimentent une agitation et une confusion qui finiront par faire souffrir. Le mot est concept. C’est dans le silence qu’il s’agit de puiser, dans ce fond à l’arrière-plan, immuable, d’où émergent les pensées et leur support, les mots. Lire, oui, avec la conscience que tout émerge de cet espace vide que nous devons laisser s’agrandir, se déployer. Tout ce que vous pourrez lire, et je le sais bien devant mon incapacité à exprimer ce vécu, ne pourra jamais décrire le déploiement de la conscience, exprimer ce vide, si dense et si aimant, cet espace illimité, hors du temps… La vigilance s’impose de ne pas suralimenter votre esprit, de rajouter trop de mots qui brouillent tout. Le silence est toujours présent, il est la substance de ce que nous sommes. Ne permettez pas à votre esprit de le recouvrir. Que chacun de vos gestes, de vos actes soient imprégnés de ce silence, même lorsque vous cherchez dans une quête passionnée… Laissez votre silence se déployer…


Q : L’entre-deux pensées, l’espace entre deux pensées, est-ce là où se situe ce quelque chose que vous avez touché ?

R : C’est lorsque le mental est calme, stabilisé, que les pensées peuvent s’arrêter un instant, et dans cet espace, nous percevons ce qui se tient à l’arrière-plan, éternellement paisible. Le travail sur soi consiste à calmer le mental, pas à être sans mental, ceci est impossible. L’illumination, la perception subite de la Réalité, survient soudainement, par la conscience elle-même qui peut alors agir librement parce que le mental stabilisé, ouvert, réceptif, habitué à rester en silence, lui a dégagé l’accès. Dans notre vie quotidienne, il s’agit d’abord d’être libre du mental, de ne plus être le jouet de ses croyances, de ses peurs, de ses désirs. De prendre conscience du pouvoir qu’il a sur nous. Et de prendre conscience qu’ainsi stabilisé, il est aussi la clé qui va ouvrir la porte à la réalisation.


Q : Il y a bien longtemps que j’ai la conviction qu’il n’existe rien de tel que la notion de hasard ?

R : Oui, il y a une Intelligence au sein de l’énergie de vie, et c’est Elle qui oeuvre en nous et à travers nous dès que nous nous y abandonnons, le moi suffisamment transparent, le mental suffisamment calme …


Q : Je m’aperçois que je bute toujours sur “se concentrer sur Je Suis ».

R : “se concentrer”, le mot est mal choisi, car toute concentration implique un effort mental. Nous ne sommes pas ce corps ni ce mental qui peuvent être observés et perçus. Etant reconnus comme des objets d’observation et de perception, reste un Sujet ultime, notre Etre véritable, qui ne peut être ni observé ni perçu…. A partir de là, accomplir chaque geste dans la conscience de ce Sujet ultime.


Q : Comment quelque chose peut-il avoir conscience de lui-même ? Selon ma compréhension, la conscience voit le mental et la source voit la conscience apparaître le matin et disparaître le soir. C’est pourquoi je pratique la question “qui suis-je” presque comme un mantra, afin de ne m’attacher à rien mais de remonter sans cesse en amont du “je”.

R : Il y a une dualité qui s’insinue en vous parce que vous essayez d’appréhender la Réalité avec votre esprit, et l’esprit est toujours duel. Lorsque la conscience, par une sorte de retour de son flux vers elle-même, réalise sa propre nature, la pensée est totalement arrêtée et il n’y a personne qui voit ou réalise quoi que ce soit. Lorsque vous posez la question “comment quelque chose peut-il avoir conscience de lui-même ?”, vous objectivez la conscience. Or, ce que vous êtes, le Sujet ultime, ne peut être objet d’expérience. Il est réalisation. Lorsque vous pratiquez la question « qui suis-je? », il y a encore une activité du mental, même ténue. La nature de l’esprit est mouvement incessant. Il est donc naturel que les pensées viennent. Notre erreur est d’oublier leur aspect temporaire et de nous y identifier. Il s’agit de ne même pas s’identifier à la pensée : Je suis Conscience…


Q : En ce moment, je me sens seule. Parfois j’aimerais bien avoir un compagnon, ça fait longtemps que je suis solitaire… Dans l’absolu, rien ne manque, tout est parfait tel que c’est…. Alors comment dois je aborder ce ressenti ? Croyez-vous que cette envie soit une projection, pure création imaginaire ? Je sens bien que la nature profonde n’a besoin de rien mais je ressens aussi l’envie de partager, d’échanger de manière privilégiée, intime.

R : Je comprends ce que vous ressentez, bien que nous ne soyons jamais seuls… Il y a un chemin pour vous, celui qui a été prévu par la Vie, qui correspond à votre nature propre et à ce que vous devez vivre afin que votre être profond se déploie, à l’infini…. C’est votre intuition, c’est à dire votre réponse spontanée à la Vie, qui vous l’indique. C’est à chaque instant, vécu intensément. Seule ou prés de quelqu’un ne change rien, fondamentalement. L’attente, le sentiment de manque, viennent de l’ego. La Réalité est Amour. Elle se manifeste pleinement à travers notre être dés qu’il n’y a plus d’attente, de projection… dans l’abandon, dans le vide de soi. Permettez à la Vie d’Etre, totalement, à travers vous, et il n’y aura plus le sentiment d’un manque. Vous serez surprise de sa Grâce, de son don, qui sait, sous la forme d’un être aimant et aimé…


Q : Une seule envie: retrouver le silence du Moi dans le calme, la méditation. Je n’arrive plus à harmoniser l’action et l’inaction, je n’arrive plus à trouver de la joie à l’extérieur. Quelque chose lâche et j’ai peur de ne pouvoir faire face aux contraintes du quotidien. Beaucoup de choses deviennent laborieuses, usantes…

R : Il n’y a aucune différence entre ce qui est vécu à l’intérieur et le quotidien à l’extérieur. La vie est une. C’est toujours le mental qui fait cette séparation, qui aime établir des catégories. Le silence ressenti en vous imprègne tout. Ce n’est pas une absence de bruit. C’est l’essence même de ce que vous êtes, de ce que nous sommes tous. La vie entière est imprégnée de conscience, un autre mot pour exprimer le silence. Tout, absolument tout, est imprégnée de silence… Vous ne trouverez pas la joie “à l’extérieur” (et celle que vous trouviez auparavant, causale, dépendante, n’était pas la véritable joie). Il n’y a pas d’intérieur ni d’extérieur. La joie est toujours présente en tout, car c’est la nature de la conscience d’être joie, d’être paix. Simplement cette joie peut être voilée par les nuages du mental. Rien de ce que vous êtes ne s’est effacé. Seulement, les aperçus de la Réalité qui vous ont été donnés de vivre ont été objectivés par le mental, transformés en expériences, avec un expérimentateur…


Q : Je pense que mon corps a réagi à ces pensées, qui pourtant n’étaient là que pour comprendre, ce n’était pas négatif intellectuellement parlant. Je pensais en avoir besoin pour avancer. Mais apparemment si, puisque la réaction négative du corps était là. Si je comprends bien, même dans cette situation il faut laisser faire, se libérer des pensées, des réflexions, avancer sans se poser de questions ?

R : les pensées ne sont que…. des pensées ! Elles sont des manifestations énergétiques éphémères, et nous faisons l’erreur de nous y accrocher, de les entretenir, avec tout leur cortège de blessures mémorisées. Dés que nous doutons, que nous culpabilisons, que nous souffrons, c’est le mental qui a repris les rênes…. Mais si nous observons simplement les pensées qui s’élèvent en nous, les paroles qui nous sont dites, sans jugement, avec douceur, avec bienveillance, elles retournent là d’où elles ont émergé, sans déranger notre paix. La paix n’est pas une absence de pensées. Elle est la substance de notre être profond. La paix est ce que nous sommes. Et ce que nous sommes n’est jamais altéré par quoi que ce soit.

Notre nature est accueil : la conscience accueille tout ce qui se manifeste en son sein, apparitions puis résorptions. La pensée est englobée dans son champ. Dés qu’il y a observation neutre du fonctionnement de la pensée, prenez conscience que c’est ce que vous êtes véritablement qui observe. Ainsi, il y a, peu à peu, moins d’implication dans les pensées. Le mental étant moins alimenté, il se calme de lui-même, sans effort, sans tension. Se libérer du mental, c’est simplement ne plus s’y identifier, ne plus oublier que nous sommes la Source, vide et lumineuse.


Q : Cette réalité laisse une nostalgie profonde… sans prétention, sans attente, sans espoir…

R : La nostalgie que vous ressentez vient de cet espace pur, lumineux, qui est ce que vous êtes depuis toujours. Si vous ne connaissiez déjà cet espace, vous ne pourriez ressentir de la nostalgie…. Notre “ignorance” est seulement un oubli…


Q : L’impression de vivre dans un autre monde, d’être incompris ! Certes, beaucoup d’amour et de compassion, mais face à la souffrance environnante, quid de notre impuissance ?

R : La réalité que nous percevons est souvent celle que notre mental nous fait voir, qui n’est pas la vraie réalité. L’impression d’être incompris vient de ce mental qui, créant un sujet identifié au corps, se voit séparé des autres. C’est aussi ce moi qui croit être le véritable acteur de la vie, voulant faire sans cesse, et se définissant comme impuissant à soulager… A la racine de la souffrance, il y a toujours une pensée, et ce sentiment de séparation du moi avec les autres. L’amour, la compassion, ne viennent pas de ce moi. Ils sont l’énergie de l’univers. Tout est bien, lorsque le moi ne résiste pas à ce qui est.


Q : La vie, vibrant partout comme en moi, ici et maintenant, source d’elle-même. Juste cette vie, là, immédiaté d’être, telle qu’elle est et s’exprime, sans attachement, jaillissement perpétuel. J’ai longtemps cherché une source à la vie mais elle est source d’elle-même, n’est-ce pas ?

R : Oui, la vie est sa propre cause, son propre but. Elle est liberté et se déploie au sein de son propre espace. Moi aussi, j’ai longtemps cherché…. La vie se vit elle-même, à travers toutes les formes qu’elle manifeste. En son coeur, il y a une intelligence infinie, absolue, qui est Amour.

“Je ne suis pas un enseignant. Je n’ai pas de mission. Mon propre travail est terminé et il se peut que mon corps s’écroule à tout moment. Si quelqu’un me demande conseil, j’essaie de répondre selon mon expérience et ma connaissance. En fait, ce qui devrait être dit ne peut être dit. Les mots ne sauraient transmettre l’expérience." (Chandra Swamî)