Après des années de recherche ardente, de quête intense, survient cet instant tant espéré où nous nous éveillons… Ce moment immobile, hors du temps, vient rendre réel ce que nous avons appris, compris, et dissout pour toujours les « comment » et les « pourquoi ». Nous portons alors un regard amusé et tendre sur ce cheminement spirituel créé par notre mental…
Pendant plus de trente ans, j’ai cherché les signes du sens de ma vie, de la Vie, chez les philosophes, les poètes, les mystiques chrétiens, soufis, bouddhistes, shivaïtes. Leurs mots faisaient vibrer quelque chose blotti au fond de mon être, qui attendait d’être reconnu. Je remercie tous ces éclaireurs qui furent comme des balises tout au long de ce trajet mental vers le but que je m’étais fabriqué, et qui s’est évanouit à l’instant où…
Chercher, oui… étudier les textes sacrés, rencontrer des sages authentiques, méditer pour que l’esprit différenciateur devienne transparent, se mettre en situation de recevoir, d’être aidé, dans une attitude humble, dans l’effacement de soi, ouvre les vannes de la compréhension profonde. Compréhension qui passe par le mental, bien sûr, un mental vif, efficient, sensible, pénétrant, qui prépare à la perception de ce qui est au-delà du connu, au-delà de tout image, de tout concept dualisant. Comprendre n’est pas contrôler, s’efforcer, appliquer une volonté érigée en citadelle, car alors c’est le mental qui prend les rênes.
Se préparer, oui… dégager l’accès à l’espace lumineux et paisible, à l’instant cosmique où la Vérité sera vue par Elle-même, en Elle-même. La préparation n’est pas un remplissage de savoirs, une acquisition de moyens et d’exercices qui ne feraient que renforcer l’attachement à d’apparents progrès. C’est au contraire une mort perpétuellement renouvelée, qui nous engage dans un état d’attention recueillie, dans la pleine conscience de ce qui surgit puis se résorbe. Si nous observons sans répit, intensément, la seule réalité qui soit, celle vécue au présent à travers les évènements, les situations, les rencontres, nos propres désirs s’évanouissent peu à peu. Nous renonçons à l’effort, à la volonté personnelle, pour laisser les choses se faire d’elles-mêmes, dans une détente qui est la seule vraie libération. Nous accueillons avec simplicité ce qui est proposé, libres d’engendrer le monde dans sa diversité indivisible, au sein de notre espace indifférencié. Nous sommes alors en conscience, à chaque instant, dans l’essence de la vie. Celle-ci se révèle en sa plénitude à travers son mouvement. Nul besoin d’exercices pour l’atteindre… Nulle possibilité de moyens pour révéler ce par quoi la voie existe… Tout est bien. C’est la vie qui s’expérimente elle-même dans le champ de la conscience immuable. C’est une même Conscience qui interroge et qui répond…
Tout est voie, à l’intérieur de notre propre conscience, à l’intérieur du Tout cosmique. Tout est voie… sans voie, car tout procède de la conscience. Dans l’instant de notre mise en marche, sans distance, pour aller de soi à Soi, dans chaque pas de notre quête immobile, se trouve ce que nous cherchons. Il n’y a aucune séparation. La source jaillissante de la vie est exactement là où nous sommes en conscience.
Reconnaissant l’évidence, la paix s’installe, champ d’accueil indispensable à la soudaine réalisation de notre véritable nature. Enfin vide de désir, de représentation, de tout appui, ne reste que le silence, dans un espace totalement ouvert et libre. Alors la conscience se saisit d’elle-même dans un saut hors du temps, dans un bond à l’intérieur de soi, par l’effet de la seule grâce. « Rien d’autre qu’un élan nu vers Dieu en Soi-même ». Un seul élan suffit…