La mort n’est pas la fin complète de l’être. Celui-ci est une part du grand Tout, de cet Univers infini, dynamique dans ses transformations et cependant immuable en son essence. Lorsque nous quittons cette dimension terrestre, nous entrons dans une énergie infinie, hors du temps. La transformation est de nature vibratoire : nous sommes devenus inactifs sur le plan phénoménal, tous les éléments qui d’ordinaire alimentent notre conscience (la pensée, l’émotion, le sentiment, le désir d’action) sont absents, nous projetant dans un état d’ouverture sur un espace immense. Nous ne pouvons plus nous identifier à notre corps, ni à notre rôle social, à notre culture, notre travail, nos passions, nos divertissements, notre sexe, notre tempérament, à tout ce que nous prenions pour notre identité et qui n’était qu’un défilé de personnages dans le temps. Ce temps exerce durant notre existence terrestre sa toute-puissance par la pensée omniprésente qui objective sans cesse chaque état, chaque expérience. Or, notre nature véritable n’est pas projetée dans le temps, dans l’action, elle n’est pas dispersée par la distraction et l’identification aux phénomènes. Malgré toute la diversité du vécu, elle est, de toute éternité. Nos observations, par le filtre des sens corporels et de la pensée, nous trompent. Elles réduisent le réel à la matière, à un espace/temps limité. Or, le réel est conscience, indépendante de notre corps, indépendante du cadre terrestre. Elle est liberté. Plus nous prenons conscience de notre identification erronée au corps et au flot de pensées, plus notre liberté s’accroit. Cette liberté suppose que tous les possibles existent, et donc que tous les futurs coexistent dans le présent. Plus de causalité, liée au temps… La conscience, immuable, nous indique que les évènements, même s’ils se déroulent dans un espace/temps, en sont indépendants.
La conscience est un contenant rempli d’énergie. Il y a quelque chose en nous qui vient chercher l’information dans ce réservoir d’énergie sans limite, quelque chose de discret, très discret, et qui s’exprime délicatement : l’âme. Dès que l’âme, le noyau de notre être, se connecte à cette énergie, une intention naît, qui oriente son voyage. A notre mort physique, elle s’échappe et passe dans une dimension qui lui correspond, où elle continue de communiquer avec encore plus de finesse que lorsqu’elle nous accompagnait durant notre passage terrestre. Elle ne pense pas, elle perçoit, comme il nous arrive de percevoir l’âme de notre interlocuteur par un toucher invisible… Nous ne voyons plus comme ici, mais avec un autre regard. Nous ressentons la présence d’ondes, et nous nous ressentons bien présents… C’est un autre monde, sans mots, sans pensées, un monde de pures vibrations.
Sur cette terre, il y a un lien étroit entre l’invisible et le visible, l’infini et le fini, entre le phénomène, tangible, limité, mais infini en son essence, et l’indéfinissable. C’est donc par les phénomènes, par l’apparence de l’essence - son reflet - que nous pouvons ici nous approcher de l’Un. Nous vivons dans un double rapport avec le visible et l’invisible. Le but de cette existence est de nous détacher des liens avec l’aspect tangible de la vie, de nous garder d’un comportement vicié qui nous attirera vers des vibrations inférieures. Lorsque nous apprenons à séparer notre pensée de notre corps, nous commençons à percevoir ce qu’est l’immortalité de l’âme… C’est une absurdité de donner comme but à notre existence la satisfaction de nos sens, d’organiser notre vie autour des désirs de notre corps, de se faire les esclaves d’une chose qui s’éteint si vite… C’est en opposition complète avec le fondement de la vie, qui est Sagesse, avec ce qui est intrinsèque à sa réalité. Le corps, bien sûr, n’a rien de dégradant. Au contraire, il s’ennoblit lorsque l’âme s’élève. En fait, sa seule valeur réside dans l’âme. Par ses mouvements, avec l’aide du souffle et de l’esprit, le corps permet de manifester l’essence de l’Ame de toutes les âmes. Ainsi, les âmes ici-bas peuvent se souvenir et connaître ce qu’elles savaient déjà. A la seule condition qu’elles ne se mettent pas au service d’une enveloppe si éphémère…
Dès que l’on se relie au souffle et que l’on approfondit notre esprit, on découvre en nous le mystère de la Sagesse éternelle, dont on porte l’empreinte depuis toujours. Les deux principes de la Conscience, Sagesse et Intelligence, inséparables, produisent tous les phénomènes et leur développement. Sans cette union, il n’y aurait pas de connaissance. Or la conscience est elle-même connaissance, ce qui connait et ce qui tend à être connu. C’est en se connaissant elle-même qu’elle connaît tout ce qui est. Rien n’existe qui ne se trouve dans sa substance éternelle où sont unies Sagesse et Intelligence. La Sagesse et l’Intelligence unies nous indiquent l’essence profonde de la réalité. Elles sont unies dans et par l’énergie que nous nommons amour. L’amour est le tissu indispensable à l’existence d’un univers organisé, reflet de l’Ordre cosmique invisible. L’émanation de cet Ordre, de cette Beauté, est l’âme qui s’élève dans et par l’amour, étape par étape, jusqu’à ce « lieu » suprême où tout est Un, entraînant avec elle ce monde dans lequel elle a évolué. L’âme, qui est né du Souffle, doit s’ouvrir au souffle de l’Esprit, lorsqu’elle est encore dans le corps ou au moment de son envol, et s’en laisser inspirer. Ce souffle de l’Esprit, ce fluide éthéré qui imprègne plus ou moins les êtres, les traverse à chaque respiration où il est présent en une infime part, comme un feu céleste dans l’air. Avec l’aide de la conscience, lumière qui pénètre l’obscur en soi, le souffle imprègne les corps avec force et les soumet à l’âme affermie par la puissante volonté universelle. Il travaille de façon mystérieuse dans l’âme et l’amène à la nouvelle naissance. Cette seconde naissance par l’Esprit nous fait entrer vivant dans la mort. « … car Il est d’abord ressuscité, Il est mort ensuite. » (Evangile de Philippe). Il a réalisé sa nature véritable avant de quitter définitivement ce monde. Il est devenu Vivant. L’âme ne trouve son salut que dans l’amour. Elle a alors une connaissance juste de l’essence divine. La persévérance, la fermeté de l’esprit, la maîtrise de soi, la bonté, la pureté de l’intention sont requises durant notre voyage terrestre. Car au sortir du corps, l’âme n’ira pas dans une voie autre que celle commencée ici. Les souffrances, contrairement à ce que nous pourrions penser, ne pèsent pas lourd pour l’âme qui a su aimer. C’est le mal fait sciemment qui est une véritable entrave. Ici, sur terre, nous forgeons la vie future de l’âme.
Au moment de la mort, une énergie, que seul le mourant peut ressentir, lui donne une force qu’il n’a jamais connue durant son existence. Cette force circule dans son corps, paradoxalement au moment où celui-ci s’apprête à disparaître, mais surtout investit son esprit qui peut alors saisir ce qu’il n’a pas réussi à comprendre depuis la naissance. Si son âme s’est préparée, fortifiée, purifiée durant son parcours dans ce monde-ci, alors, dans cet élan grandiose qui l’élève, son « œil » voit. Tant que l’œil reste ouvert, il voit…
Dans l’évènement le plus fort de mon existence, j’ai reçu la certitude de l’immortalité de l’âme. La vie est une. Il n’existe aucune frontière entre les âmes, incarnées ou non. Il n’y a pas de séparation. Si nous avons appris à dénouer les nœuds qui nous bloquent, à considérer les liens qui nous attachent, nous limitent, nous séparent, et à les voir comme le fil universel qui nous unit à tout le vivant, alors la mort est la réalisation ultime de cette Unité. Seuls notre corps et notre pensée nous séparent les uns des autres, ou plutôt c’est notre incapacité à aller au-delà des masques physiques et intellectuels qui empêche la communication intime des âmes. Pourtant, qui n’a pas ressenti le toucher tendre de l’âme d’un être aimé décédé sur sa propre âme restée encore ici ?
La clé est notre esprit. Exerçons-nous à le nettoyer, à le laver de ses multiples pensées parasites, de ses vanités, de ses distractions. Lorsque nous quittons ce corps, le monde avec ses agitations, ses conflits, ses plaisirs, s’efface. Son bruit s’estompe. Nous sommes seuls avec nous-mêmes, avec ce que nous avons pu créer durant notre existence et qui a imprégné le noyau de notre être. Nous sommes projetés dans l’inconnu. L’instant de ce saut n’est déjà plus de ce monde. Nous sommes effrayés si nous n’avons pas su déployer les ailes de l’amour durant notre existence, si nous avons laissé notre esprit différenciateur voiler notre conscience, obscurcir notre âme. Il n’est pas question de contraindre l’esprit, de l’endormir ou d’essayer de l’annihiler. Il est indissociable de notre quête d’harmonie et de notre capacité de discernement au sein de celle-ci. S’il est le piège qui nous enferme dans des systèmes de pensée conformistes, sclérosants ou douloureux, il est aussi la clé qui ouvre à l’intelligence de l’univers. Pour cela, il est essentiel qu’il soit calme, fluide, principalement au moment de mourir. La connaissance ne peut se déployer que dans la liberté, l’ouverture, la clarté d’une pensée remise en ordre. Lorsque nous sommes soumis aux fluctuations incessantes et bien souvent contradictoires de notre pensée, nous ne pouvons être accordés à notre centre subtil et éternel. Ce que nous entendons par centre subtil est ce cœur de l’être qui est le siège de l’intelligence directe, de l’intuition qui est « l’œil ». Il n’a pas de rapport avec le sentiment ou l’émotion, tout comme l’intelligence dont nous parlons ne peut se réduire à la seule raison. Or le rationalisme qui s’est répandu dans le monde, au point de nier le rôle premier de l’intuition, identifie l’intelligence à la raison, au seul aspect discursif de l’intelligence. Il y a quelque chose de profond et d’élevé dans l’homme, de lumineux, de chaleureux, un centre vivant car universel, notre point d’appui, point de contact avec le Divin.
Lorsque nous mourons, les bruits du monde s’évanouissent, le souffle qui nous faisait vivre ne pulse plus que notre cœur subtil, l’intelligence discursive se tait. Elle n’a plus à sa disposition le cerveau. Ne demeure que ce point de contact, cet œil du cœur. En avons-nous eu seulement la connaissance durant notre existence, la connaissance intuitive, immédiate ? Avons-nous su descendre en nos profondeurs, nous réfugier en notre temple silencieux, nous y reposer, y prendre appui ? Parfois, oui, fatigués par les discours, les opinions, les histoires que nous entendons, que nous nous racontons, à bout de souffrance…
A l’instant de la mort, nous ne pouvons que suivre ce qui nous emporte, nous ne pouvons que nous abandonner sans résistance, sans que la volonté personnelle vienne interférer. Il faut savoir que nous n’entrons pas dans une dimension indépendante de nous, de ce que nous avons été à l’heure de quitter la terre. Car ce qui demeure est le regard que nous portons sur le comportement que nous avons développé au cours de notre existence. C’est un regard tout intérieur, bien sûr. Un regard qui vient de l’œil de notre sanctuaire. Et qui nous questionne : ai-je laissé la bonté émerger et rayonner avec générosité ? Ou ai-je été dominé par les pensées ordinaires d’égoïsme, de profit, de reconnaissance sociale ? Là où nous partons, nos œuvres nous suivent.
Juste avant de partir, nous sommes dans un état de vulnérabilité extrême. Nous perdons tous nos repères, les dernières choses auxquelles nous tenons s’effacent. Les constructions mentales édifiées durant l’existence s’écroulent, les sensations se dissolvent. La mort nous libère de toutes ces images de nous-mêmes que nous nous sommes épuisés à créer et à défendre. Nous nous sentons comme aspirés de l’intérieur. Il faut accepter de s’abandonner, de lâcher prise, avec dans le cœur la confiance. Cette confiance est un acte d’amour. Nous sommes perdus, c’est normal, la mémoire ne nous est plus d’aucun secours à cet instant. Et nous ne sommes pas habitués au silence… Nous ne devons pas nous laisser submerger par la peur mais demeurer dans un état de paix inaltérable, le regard tourné vers l’intérieur. Dans ce processus de dissolution des pensées, tout se brouille dans notre esprit, laissant la place à l’essentiel : l’amour. Mais peu d’êtres aiment vraiment durant leur existence, aiment d’un amour terrestre qui sera sublimé par l’amour de Dieu. Alors, ils se raccrochent à leurs dernières pensées, souvent confuses, pour se rassurer devant le vide pressenti et redouté. Or ce vide est celui de l’esprit au repos, seul état où la Grâce peut jaillir…
Lorsque je suis partie vers ce qu’on nomme la mort, mon activité mentale était complètement stoppée. Cependant, je me savais être une présence, au sein d’une énergie lumineuse qui communiquait. Les informations étaient perçues instantanément et clairement. Dans cette dimension atemporelle, elles arrivaient simultanément, ne passant ni par des mots, ni par des pensées ou des images. La connaissance était saisie directement et ne produisait aucune émotion. Un amour indescriptible, hors du temps, se déployait dans le silence-matrice de l’univers. Tout était perçu dans la lumière et par la lumière. C’était la lumière qui m’enseignait, sans qu’il y ait la moindre réflexion, le moindre raisonnement. Aucune de nos facultés intellectuelles sont opérantes dans cette dimension, cependant émerge du plus profond de nous-mêmes un dialogue: T’es-tu souvenu de ce qui est scellé au fond de ton cœur depuis toujours ? As-tu aimé ? Et nos réponses…
Ce que nous sommes venus chercher sur terre est la connaissance. C’est la seule voie qui mène à l’amour. Amour et connaissance sont inséparables. Ensemble, ils voient l’unité de la vie. Ils voient comme toutes les manifestations tendent sans répit à s’unir au Principe qui régit l’univers. Le sens de la vie est beaucoup plus beau et plus simple que ce que notre esprit peut élaborer. L’univers est indivisible. L’être humain et le cosmos sont un. Chaque élément, même le plus infime, n’existe que comme champ d’énergie porté par l’univers. Rien ne se perd dans ce réseau, ce tissu complexe d’interconnexions entre les innombrables éléments de ce tout unifié. Dans cette réalité, la mort n’est qu’une transformation énergétique. Elle n’enlève rien à la vie, comme la naissance n’y ajoute rien. La profondeur de notre connaissance et de notre amour est la mesure « qualitative » de notre vie future après la mort terrestre, celle qui déterminera le plan en lequel nous accéderons, le niveau vibratoire de la dimension qui accueillera notre âme. Ce que nous vivons après avoir laissé notre corps s’ajuste exactement à notre capacité de compréhension de la nouvelle dimension dans laquelle nous nous trouvons. Tout ce qui se présente à nous est parfaitement clair. Nous recevons en enseignement exactement ce qui nous est nécessaire pour la poursuite du voyage.
Si nous nous sommes préparés à travers tous les évènements de notre existence à nous quitter, à renoncer à notre volonté propre, à ne rien chercher qui nous soit personnel, égotique, dans aucune chose, à ne pas nous laisser enfermer dans un monde imaginaire, à nous dépouiller de tout ce que la société a déposé en nous d’artificiel, à nous simplifier, à nous alléger de toutes nos histoires insignifiantes, à nous mettre dans un état d’ouverture d’instant en instant, avec un esprit stable et tranquille, alors nous sommes prêts à comprendre notre immersion dans une autre dimension. Si nous avons la foi, cette voilure qui nous mène au port avec sûreté, si nous la fortifions et la gardons sans faiblir, si nous sommes dans l’activité spirituelle avec sincérité et persévérance, alors, arrivés au terme de cette incarnation, nous ne nous endormirons pas dans un sommeil profond. Nous ne perdrons pas le contact si nous n’avons pas nié la survie de l’âme ou même sa réalité vivante. Nous ne perdrons pas la conscience, aiguillonnée toute notre vie par la pointe lumineuse de notre esprit, aspirant à toujours plus de lumière. Nous ne connaîtrons pas la peur du vide, du silence, qui ne sont que le résultat de l’absence totale de notre pensée, ni l’angoisse face à l’infini qui est la source de notre liberté future. La confiance est essentielle, car elle préfigure celle que nous allons retrouver lorsque le corps aura été quitté : aucune inquiétude alors, telle qu’un mental peut créer sur terre, au point d’étouffer l’âme. Confiance en l’amour et la douceur ressentis, en l’aide et le secours apportés, en la solidarité joyeuse entre les âmes… L’univers n’est pas un espace glacial, triste, sans activité. Il est au contraire un espace bouillonnant de communication, chaleureux, radieux. Pas une seule âme éveillée qui ne soit active, serviable. L’entraide des âmes est le vrai bonheur, le plus beau des mystères, avec celui de l’Amour divin. Les âmes délivrées accueillent dans la joie, réconfortent, guident, éclairent, enseignent… L’amour n’est jamais oisif, il est comme le feu, toujours en mouvement. Enfin, prions dès maintenant pour nos morts. Les prières orientent l’âme vers sa source, envoient des ondes qui sont comme des étincelles de lumière…