C’est par la conscience que nous pénétrons au cœur de la vie. C’est elle qui perçoit avec clarté et force, sans juger, sans exiger, sans figer ou tendre vers un but. Il nous faut découvrir cet observateur silencieux de nos pensées, de nos sentiments, de nos tensions, de nos souffrances, et comprendre que c’est l’esprit seul qui bloque ce flux naturel en s’y identifiant au point qu’il ne laisse plus aucun espace. Nous devons permettre à la conscience d’apparaître à chaque mouvement de notre intériorité et d’entrer au cœur de chaque évènement qui se présente. C’est elle qui nous dévoile la réalité et nous fait accéder à ce que la vie a de plus profond. Lorsque nous vivons en pleine conscience le silence du jour qui se lève, souligné par le trille mélodieux d’un merle, nous sommes au cœur de l’absolu. Lorsque nous regardons la beauté simple et reflétons son harmonie, lorsque nous ressentons le lien qui nous unit au cosmos, nous exprimons la vie. Tout ce qui vient à nous est une manifestation de l’énergie pure : nos joies, nos chagrins, nos rencontres, les choses les plus banales, les gestes quotidiens les plus anodins. Tous les phénomènes qui s’offrent à notre regard, à notre écoute, à notre contact, sont l’absolu qui se révèle. Voir ainsi, juste avec la conscience, sans l’interférence des pensées qui parasitent la perception pure, rend la vie plus vivante, moins terne. Tout devient radieux autour de nous, plus expressif, les couleurs des fleurs, les chants des oiseaux…
« Voir ainsi est amour. Tout autre regard reste en surface… », nous dit Krishnamurti. L’amour, c’est l’espace de la vie, silencieux, libre, sans cause et sans but. C’est l’énergie de l’univers, intemporelle, impersonnelle, qui se meut en elle-même, sans direction. Nous l’incarnons lorsque nous épousons le mouvement de la vie, lorsque nous nous abandonnons à sa totalité et offrons à tous ceux que nous côtoyons notre espace de paix. L’amour n’est pas un sentiment envers quelqu’un, encore moins un attachement. Il n’est pas l’expression de l’ego, ne résulte pas d’un processus mental. Nous le rencontrons à chaque seconde de notre existence si nous savons regarder. Il est au creux d’un regard saisi, d’une conversation anodine. Il s’exprime dans chaque petite chose ordinaire, dans la tendresse de nos gestes, dans la patience de notre écoute, dans la douceur de nos paroles, dans la simplicité de notre esprit. Il est dans le respect du chemin de chacun, dans l’attention sensible à la souffrance des autres, dans le soin à un corps affaibli, dans l’acceptation de l’impermanence au cœur des êtres et des choses. Il n’y a rien de personnel à vouloir. La vie est son propre but. Elle s’expérimente elle-même lorsqu’elle suscite des occasions, propose des situations, place des évènements sur notre parcours terrestre. Elle se révèle à elle-même là où nous nous trouvons. C’est l’intelligence contenue dans cette énergie universelle qui réalise en nous selon son intention, qui nous porte selon son dessein, sans que nous n’ayons rien de particulier à faire, si ce n’est calmer notre vacarme mental. Nous sommes si ignorants que nous croyons que nous avons le pouvoir de programmer notre existence ! Nous ne nous posons jamais la question : qu’est-ce que la vie attend de moi pour pouvoir se réaliser ? Non, nous nous disons : je veux faire ceci de ma vie. Mais tout peut arriver… et arrive !